Mercredi 25 mars  _Sujet d'invention:
 
Dans l'obscurité. Une voix...

Etre ou ne pas être? ...c'est là la question. Quand la lassitude, plus profonde que l'abîme, creuse en votre âme, un précipice infini et que, la joie enfantine qui illuminait vos pupilles semble le pic d'un mont de tristesse et de désillusions, être ou ne pas être l'homme dont on a le paraître, croire ou ne pas croire en l'avenir et en l'espoir. Alors, le souvenir de la tendre enfance durant laquelle l'enfant aux pastels de mille et une couleurs redessinait l'immensité du monde en une poignée d'éternité, en une poignée de secondes, vous empoigne le coeur d'une main de velours et vous présente la nostalgie. Telle un vautour, telle un grand rapace aux ailes majestueuses, elle ronge les fruits, fébriles, qui perdurant, s'accrochant aux branches de votre esprit, tendent à mûrir en vous. Les cris perçants du volatil raisonnent dans le vide, ses plumes translucides trace sur le sol un chemin sans fin. Pourquoi devenir lorsqu'on désire encore être? Puis, le temps s'envole, comme les feuilles mortes du grand platane dans lequel vous aimiez tant jouer. Sous vos pieds, les couleurs, les odeurs, les textures, les choses ont changés. Dans ce monde où, lentement, vous avez glissé, les manèges aux musicalités monotones ont laissé place aux labyrinthes silencieux, les leçons collectives sur le tableau sombre du professeur se sont évaporées, discrètement, dans une brume de poussière de craie, faisant apparaître des ciels de feuilles blanches aux écritures personnelles. Alors que les filles portaient de longs jupons plissés, roses comme la vie, et de jolis rubans volage de satin dans leurs cheveux dorés, aujourd'hui, votre ciel est gris, vos jambes frêles se protègent d'un tissus épais, rugueux, d'un bleu délavé et désabusé. Vous n'êtes qu'un numéro imprimé à l'encre noir sur une liste interminable de signes que seuls eux, savent interpréter. Alors que vous étiez toujours resté dans le rang, même au milieu de la gigantesque cour de récréation, à cet instant, la corde à sauter tréssée lacère votre cou, vos pas se font trop larges et vous survolez le Ciel de la marelle. Un..deux..trois...quatre...Les paupières à demi fermées, le voile vaporeux de l'incertitude vous enveloppe innocemment et, dans un vertige haletant, vous apercevez le Terre devant vous. Là, le sentiment d'être déjà parti, mais jamais, de n'être arrivé. Durant cette longue croisière périlleuse où les éléments se déchainent contre vous, où la dérive semble proche, constamment, où la terre d'asile n'a aucun visage sinon celui de la Peur et de l'Angoisse, eux vous diront que c'est cela devenir quelqu'un. Mais pourquoi devenir lorsqu'on désire encore et toujours être? Une nuit de pénombre, l'ouragan de paroles vous aspire et, comme un marin pris au piège de l'océan, vous déglutissez petit à petit, jusqu'à vous enivrer de tout son flot, vous comblant d'un rassurant mensonge. Il est vrai, la pesanteur de l'amour dans votre coeur, l'odeur du printemps sur votre peau, la douceur des mots à vos lèvres, le goût des choses, le romantisme d'un paysage, l'ardeur d'une fleur, l'intensité d'un instant n'appartiennent qu'à vous. Comme la neige qui ne fond pas en attend d'autre, le rêve perdure et flotte à la surface de notre source de vie. Nous croyons toujours notre chance, notre destinée plus fortes, plus vraies, plus différentes en somme. Et cela jusqu'au jour où, l'un d'entre eux vous prendra par la main, et devant cette fresque du Monde que vous serez amené à contempler, des larmes rouleront jusqu'à la commissure de vos lèvres. Elles auront le goût amère de la vérité. Il vous dira alors que cette lumière aveuglante, agressive est le fruit de près de sept milliards de petites bougies dansantes. Une multitude de soi formant un tout qui n'est finalement presque plus qu'un rien. Alors, être ou  ne pas être un des leurs? Un adulte. Faut-il attendre vaillamment, à leur image, que les barreaux de cristal se brisent, que notre force culmine? Etre vivant? Ressentir tout ce qui peut nous construire mais aussi, tout ce qui peut nous détruire tant qu'il est encore temps. Grandir, persévérer, et enfin accepter notre condition. Etre ou...ne pas être, se laissant flotter dans l'eau trouble de l'inconscience où le Vie et la Mort se cotoient éternellement.

Un rayon de lumière transperce la scène et éclaire le regard de cette voix.


Elle a dit que j'étais une plume. Alors je veux m'envoler. J'ai envie de rire, danser, chanter, écrire, dormir, penser...