Immeuble 3, 8ème étage
Une poignée de centimètres plus à droite, se situe une de si jolies ruelles de Bruges. Du moins, c'est ce que je me suis laissée imaginer. Etant visiblement seule dans cette salle d'attente, je m'appropriais à ma guise les différents trésors qu'elle pouvait renfermer. L'avion multicolore servant de lustre me semblait à présent plus une clé du mystère de la pièce pâle qu'un simple élément de décoration enfantin. L'entrée en matière d'un voyage à nul autre pareil. La seconde toile au mur représente la place d'un village d'Europe Occidentale. Le coeur de ce lieu est un lampadaire plutôt mystique. Les doigts de ce géant de fer ressemblent à d'énormes boules de cristal scintillantes. La lueur du candélabre berce les grands arbres dénudés, démembrés, autour. Le vent glacial a chassé le jour et les impasses pavées s'assoupissent sur leur lit de froidure. Cette paralysie naturelle, météorologique semble avoir gagné tout ce monde de peinture. Si je m'approche davantage de cette chaumière aux volets clôts, peut-être pourrais-je entendre le ronronnement du chat tapi dans l'angle du salon où le plancher craquant s'est tû.
La dernière oeuvre met fin à mon périple, et cela d'une manière assez brutale. Exubérante, imposante mais de petite taille, on croirait qu'elle cherche à être vue. Dans un cadre jaune danse une jeune femme de couleur. Elle porte une longue robe rouge passion, rouge violence, rouge amour et rouge sang. Des nuances qui s'enlacent. Ses mouvements sont amples et agressifs. Elle se débat. Son visage est gommé, comme on cache de vilaines cicatrices d'un pansement ridiculement dérisoire. Derrière elle apparaît un grand soleil plein qui ressemble à une grosse patate dorée à la poêle. La femme, ou la fille, tourbillonne, elle saute, elle hurle et marque le sol vaporeux d'une ultime empreinte. Elle s'élance en avant mais... Le tableau ne me permet pas de connaître ce qui lui fait face, à présent. Elle, c'est moi. Oui, il y avait la chaleur, le froid et moi. Tous trois, nous étions révélés sur ce tableau surprenant d'une simple et futile salle d'attente. A cette pensée, je réalisais soudainement que la température sous mes tempes avait considérablement chuté alors que ma main droite, vermeille et meurtrie, s'apparentait alors à une tartelette aux fraises tout droit sortie du four. Des cils jusqu'aux ongles, j'atteignais les extrêmes. J'étais prisonnière de ces deux horizons. J'étais à l'embouchure du fleuve, face à l'immensité. [...]
La suite nous appartient. Il y a de ces secrets qui en restent toujours.