Mardi 4 août 2009 à 15:26

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 Antoine et Tornado, Maman et Iglio, Mathieu et Uranium, Audrey et Ponpon, Abert et White, Papa et Gypsie,
moi et Beauty.

Une promenade en famille à Cabels. Des rires. Des paysages à faire parler un muet.

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Lundi 3 août 2009 à 20:52

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Alice,

 
loin d'être indifférente à ta situation, je dois tout d'abord m'excuser de n'avoir donné aucune réponse à ton appel au secours. Bien qu'habituellement les pages blanches et l'encre noire soient mes refuges favoris, je me suis soudainement sentie désarmée face à tes mots hurlant de vérité et de douleur. Assise à mon bureau, au troisième étage de ma maison de campagne, je réitère dans l'intention de t'écrire cette lettre. Je ne sais pas vraiment pourquoi mais, à l'instant où je laisse courir ma plume sur le papier, je repense à ce déjeuner d'hiver. Attablées toutes les cinq, nous discutions de l'avenir, plus accablées les unes que le autres par des études bien trop fastidieuses, des espoirs démesurés que la famille a fondé sur nous, des possibilités de carrière très éparpillées ou très limitées. Quand, tout à coup, tu as prononcé ces mots:
-" J'essayerai d'intégrer une école d'art et si cela m'est impossible, j'aimerais beaucoup devenir institutrice."
Ton sourire était franc, et les paillettes dans tes yeux ont éclaté donnant lieu à un magnifique spectacle. C'était comme si un souffle de vie s'abbatait miraculeusement sur toi et ce syndrome de l'espoir perdurant était contagieux. Tu nous avais sauvé.

    Ces derniers jours, je me creuse la tête en me demandant quel geste je pourrais bien esquisser afin de te rendre la monnaie de ta pièce et t'épargner à mon tour. Epuisée de recherches vaines, inutiles, j'ai décidé de suivre le fil de mes idées. L'évocation du métier de maitresse des écoles me fit me souvenir que je me trouvais alors, à l'instant même, dans un ancien couvent dont les religieuses étaient enseignantes. De plus, lors du déménagement, celles-là avaient laissé tous leurs manuels et toutes leurs archives dans le grenier de la maison. Avant les travaux, mes parents et moi avions rangé des tonnes de papier dans l'ancienne bibliothèque de la cave. J'ai précipitemment descendu les marches jusqu'au puit en pierres. Farfouillant entre les couvertures rongées par l'humidité et les pages trouées par le temps et l'usure, je n'ai pas vu le temps passer. Enfin, j'ai mis la main sur ce que je cherchais depuis soixante-douze heures, sans le savoir: une édition datant de 1928 du Capitaine Fracasse de Théophile Gauthier. Deux jours avant l'épreuce écrite de français du baccalauréat, tu m'avais demandé si cet auteur était parnassien. Je t'avais répondu que je n'en avais aucune idée. Alors, je m'étais ruée sur le clavier de mon ordinateur afin d'en savoir plus sur ce mysterieux inconnu. Quelques minutes plus tard, je te répondais avec exactitude: " Le Parnasse est un mouvement poétique apparu en France dans la seconde moitié du XIX ème siécle. Il est une réaction aux excès sentimentaux du romantisme. Il prône la retenue et l'impersonnalité. L'art n'a pas à être utile, son seul but est la beauté: c'est la théorie de L'art pour l'art de T. Gauthier." Plus tard, tu m'expliqueras que Théophile est "un pauvre mec qui a batit sa philosophie sur les choses futiles, un prétentieux qui ne prête attention qu'à l'aspect physique". C'est pourquoi je t'envoie cet ouvrage: n'est-il pas plus intéressant de s'informer sur ceux qui nous répugnent plutôt que de s'attarder sur ceux qui ont déjà conquis notre coeur? Du moins, j'espère que tu retiendras de ce petit cadeau son aspect symbolique: tu pourras toujours te retenir à moi.
    Pour détrôner ce livre de sa haute étagère, je me suis hissée sur la pointe des pieds. Dans un mouvement gauche, j'ai poussé une des deux portes de la bibliothèque qui a heurté le mur. Dans un fracas démentiel, une vitre s'est brisée sur le sol. Emeute dans la maison. Tu trouveras ci-joint un des bouts de verre, éléments de l'actuelle mosaique. Fais attention: ne te coupe pas! C'est un souvenir.

    "Nous formons nous même nos obstacles au bonheur": morale implicite de la fable La Fille de La Fontaine. Je ne sais combien de fois nous avons eu cette discussion: l'accès au bonheur. Et, contre toute attente, je pense, aujourd'hui, avoir trouvé ma réponse. Grâce à toi. Je crois que, dans certains moments difficiles, pesants, comme tu es en train d'affronter, il faut apprendre à devenir assez indépendant, assez fort, pour exister par soi-même. Parfois la vie se fait notre meilleur ennemi mais nous pouvons toujours nous donner les moyens d'être heureux. Bien que cette lettre ressemble fort à une leçon d'individualisme, tu n'es pas seule.
Avec toute mon affection et ma tendresse,
, ta fée.        
 



Je pense à toi.
 

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