Lundi 28 décembre 2009 à 11:55

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Immeuble 3, 8ème étage

Les jambes croisées, assise sur une des ces chaises en osier, je patiente dans une nouvelle salle d'attente. Le temps est long, les minutes élastiques. Mon esprit s'égare, tout comme mon regard qui glisse le long des murs si lisses et si pâles. Sur le mur de gauche, siègent trois tableaux. Petits, rectangulaires, carrés, aux cadres d'or ou de plastique noir charbon, parfaitement disctincts et indépendants, ils s'alignent selon une rigueur minutieusement dérangeante. Le plus proche de mes pupillles est un flambeur, ses couleurs chaudes et sa brillance me tapent à l'oeil. Il y a ce sable rosé qui me paraît brûlant sur lequel reposent les cadavres de quelques barques ou petits bateaux faits de bois clair. Au premier plan, la mer gagne du terrain, lentement mais sûrement, sur la terre de poussière. Au loin, se prélassent une multitude de bâtisses aux couleurs pastels, aux volets inexistants. Pas un bruit, seul peut-être le sifflement des serpents que pourraient renfermer ces paniers d'osier que l'océan avalera bientôt. Dans cette scène inégalable, les éléments se déchainent dans un silence intriguant. Une osmose dans l'ordre des choses. J'abandonne cet endroit en me dérobant comme l'eau salée des vagues du Sud s'évapore sous vos orteils. Est-ce l'air du Maroc, ou bien l'Algérie de Camus? Et la voix monocorde et sourde de Meursault raisonne en moi.

Une poignée de centimètres plus à droite, se situe une de si jolies ruelles de Bruges. Du moins, c'est ce que je me suis laissée imaginer. Etant visiblement seule dans cette salle d'attente, je m'appropriais à ma guise les différents trésors qu'elle pouvait renfermer. L'avion multicolore servant de lustre me semblait à présent plus une clé du mystère de la pièce pâle qu'un simple élément de décoration enfantin. L'entrée en matière d'un voyage à nul autre pareil. La seconde toile au mur représente la place d'un village d'Europe Occidentale. Le coeur de ce lieu est un lampadaire plutôt mystique. Les doigts de ce géant de fer ressemblent à d'énormes boules de cristal scintillantes. La lueur du candélabre berce les grands arbres dénudés, démembrés, autour. Le vent glacial a chassé le jour et les impasses pavées s'assoupissent sur leur lit de froidure. Cette paralysie naturelle, météorologique semble avoir gagné tout ce monde de peinture. Si je m'approche davantage de cette chaumière aux volets clôts, peut-être pourrais-je entendre le ronronnement du chat tapi dans l'angle du salon où le plancher craquant s'est tû.

La dernière oeuvre met fin à mon périple, et cela d'une manière assez brutale. Exubérante, imposante mais de petite taille, on croirait qu'elle cherche à être vue. Dans un cadre jaune danse une jeune femme de couleur. Elle porte une longue robe rouge passion, rouge violence, rouge amour et rouge sang. Des nuances qui s'enlacent. Ses mouvements sont amples et agressifs. Elle se débat. Son visage est gommé, comme on cache de vilaines cicatrices d'un pansement ridiculement dérisoire. Derrière elle apparaît un grand soleil plein qui ressemble à une grosse patate dorée à la poêle. La femme, ou la fille, tourbillonne, elle saute, elle hurle et marque le sol vaporeux d'une ultime empreinte. Elle s'élance en avant mais... Le tableau ne me permet pas de connaître ce qui lui fait face, à présent. Elle, c'est moi. Oui, il y avait la chaleur, le froid et moi. Tous trois, nous étions révélés sur ce tableau surprenant d'une simple et futile salle d'attente. A cette pensée, je réalisais soudainement que la température sous mes tempes avait considérablement chuté alors que ma main droite, vermeille et meurtrie, s'apparentait alors à une tartelette aux fraises tout droit sortie du four. Des cils jusqu'aux ongles, j'atteignais les extrêmes. J'étais prisonnière de ces deux horizons. J'étais à l'embouchure du fleuve, face à l'immensité. [...]

                       La suite nous appartient. Il y a de ces secrets qui en restent toujours.


Par maud96 le Lundi 28 décembre 2009 à 17:23
Ta mère a raison : il ne faut pas que s'éteigne en toi ton talent littéraire !
Bon espace de vacances...
 

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